
Ce qu'on voit en suivant la route de La Tranche à l'Aiguillon 1928
A trois kilomètres avant d'arriver à La Faute on me dit :
La mer a coupé la route, vous ne passerez pas.
Je ne passerai pas ? il faut cependant que je gagne La Faute. Ah bien oui ,me fait l'homme qui se tient devant sa ferme, silencieux et grave.
La route cependant est belle. En seconde vitesse ! Donnons du gaz !. A un détour brusque, la route disparaît. Dans la mer je m'embourbe dans un amalgame de fascines de terre, de paille, débris de la digue qui fut élevée pour protéger la route et que la mer a balayé.
Devant moi, une masse d'eau énorme, une mer intérieure, c'est bien le cas de le dire, et lointaines, les dunes sur lesquelles est juchée La Faute
La désolation. L'eau forme une courbe immense, épousant les contours de la digue du Lay qui s'en va se perdre dans les lointains brumeux, vers La Faute où l'on travaille à se défendre contre l'attaque des eaux qu'on attend à chaque marée. Une solitude marine. Des mouettes se posent sur l'eau. Elles sont là, en grand nombre, et doivent trouver des herbes, des graines remontées à la surface.
Mais voici qu'apparait un petit canot, étroit, frêle, monté par un homme et qui aborde là où finit la route. Ah monsieur, quel désastre I Voyez, la mer a tout emporté, et encore c'est marée basse. A marée haute, vous verrez c'est effrayant . Vous êtes du pays ?
J'habite une ferme là, toute proche sur la dune.
Nous regardons silencieux le paysage de désolation et de solitude. Mais comment s'est produite l'irruption de la mer. Est-ce déja arrivé ?
Depuis des siècles, Il n'y avait plus la mer, là où elle est revenue. C'étaient des champs de blé, des vignes, d'immenses plantations d'oignons. Tout d'abord la mer a pénétré dans ce qu'on appelait la vieille « Prise » et la Jeune « Prise ». Des noms très anciens qui doivent rappeler sans doute que la mer venait jusque-la.
Sans doute. Puis la mer une fois dans les deux Prises, a trouvé devant elle ce que nous appelons ta digue de la Bonne Femme. Ce matin. cette digue a cédé sous la pression de la haute-mer. Actuellement le flot est maintenu par la digue qui longe le Lay. Mais celle-ci résistera-t-elle ? Derrière, il y a encore les digues de Grues et de Saint-Denis-du-Payre qu'on fortifie en hâte. Voyez, on y travaille.
Et en effet, très loin, sur les digues. on aperçoit de petits points noirs qui s'agitent.
On consolide ces digues, comme on consolide les digues de La Faute. Cette nuit, le flot est arrivé à vingt centimètres du sommet de la digue de La Faute mais il n'est pas passé. Le grand malheur, c'est l'envahissement du Marais, la ruine pour nous, car si les inondations fluviales fécondent, l'eau salée, elle, détruit tout et pendant des années . Venez, je vais vous montrer où la mer a .passé ce matin. Nous sommes à marée basse. on peut descandre sur la grève. Nous voici sur la grève. Elle est lisse, elle a la forme d'une immense cuvette, toutes les aspérités de la dune ont disparu. En un endroit, les sables sont creusés par un vrai rapide, une cascade. Ce sont les eaux marines qui ont envahi les terres et qui s'écoulent en partie à marée basse. Le niveau de l'immense nappe d'eau répandue sur les terres est maintenant bien au-dessus du niveau de la mer; mais, à 16 heures, de nouveau, le flot va revenir. Emportira-t-il la digue du Lay? il y a longtemps qu'on aurait dû faire ici un barrage, comme à La belle Henriette, mais on ne nous a jamais écoutés. Il y avait des projets, c'est tout. D'ailleurs, venez donc à cette ferme, plus proche du flot encore que la mienne, c'est la ferme de M. Violet.
A la ferme Violet
Je trouve la fermière qui tient une toute petite fille par la main. Le garçon de ferme arrive en barque. Le mari est parti, en barque lui aussi, et la femme s'inquiète.
Pensez, Monsieur, que nous avons sous l'eau plus de trente journaux de terres plantées en blé et des vignes! C'est, pour nous, un désastre irréparable. Mon beau-père avait toujours prévu, puisqu'on ne faisait rien pour défendre ce coin de la côte, qu'on appelle le Plantin, qu'un jour la mer passerait, et elle est passée. Il avait tellement prévu ce qui est arrivé hier,que dans son testament , il avait cinq fils, les autres ont des terres plus loin dans le Marais, il a écrit que si jamais la mer envahirait nos terres, les quatre autres frères devraient nous venir en aide, car il estimait notre bien toujours menacé.
Pourquoi n'a-t-on rien falt? Ah , ce n'est pas la faute du père Violet, si on n'a rien fait. Pensez. Monsieur, qu'il y a dix ans qu'il est mort. Donc il y a longtemps, qu'à chaque grande marée nous sommes menacés non pas à la ferme parce qu'elle est édifiée sur-une dune, mais dans nos champs, dans tout ce qui nous fait vivre, quoi !
Et que faire maintenant ?
Boucher au plus tôt la brèche,avec des blocs de ciment. Mais ce ne sera pas l'affaire d'un jour, et à chaque grande marée, il faudra toujours craindre que la mer ne repasse, aussi longtemps que les travaux coûteux et longs ne seront pas achevés. Iï faut construire là une digue semblable à celle de La Belle Henriette; c'est le sort de tout le Marais qui est en jeu, car en admettant que la digue du Lay tienne cette fois, sera-telle aussi ferme, au cours d'une attaque nouvelle, à la prochaine grande marée?
11 y a les formidables marées de septembre, auxquelles il faut songer aussi, puis, il restera à drainer les eaux salées, et les renvoyer à la mer, ce qui ne sera pas non plus un petit travail.
Quand on pense qu'avec un peu qu'avec la volonté et le bon sens du vieux père Violet, qui voyait les choses telles qu'elles étaient et non telles qu'on le désirait, la digue eût été construite et à meilleur marché qu'elle ne le sera aujourd'hui!
En tout cas, il y a, dès maintenant, des misères à soulager. Qu'on ne l'oublie pas non plus en haut lieu, où, en toute cette affaire, on a oui dire bien des choses, à commencer par la plus élémentaire prévoyancet . P. DE CROIDYS. Le 26 Mars 1928
Une digue en béton selon le modèle de celle de la Belle Henriette construite en 1906 va alors être envisagée. Ce sont des maçons Italiens qui vont venir la construire.







Mais dès les tempêtes suivante la mer est la plus forte.
Février 1929. Tempête.
En avril 1929, les épis 1 à 8 ont été entièrement construits . Les épis 1à 4 placés dans la région où le courant de jusant est le plus violent ont été en partie démolis au cours des grandes marées de septembre -octobre 1928 et de février 1929.
Il est prévu un renforcement de la petite digue transversale en terre réunissant la dune à l'extrémité sud de la digue renforcée le long du chemin de grande communication N°46.
Ref : Rapports du Préfet. Archives de Vendée.
Novembre -Décembre 1929. Tempêtes.
Le masque en béton armé est entièrement bouleversé. Un chenal s'est creusé à l'origine du masque en béton armé. Il est proposé la construction d'un barrage pour provoquer la surélévation du fond.
Un revêtement en gabion Palvis va renforcer la défense du littoral . Il est surmonté d'une plateforme supérieure en béton armé avec murette. Le pied de l'ouvrage sera défendu contre les affouillements par des rideaux de palplanche.
Ref : Rapport du Conseil général. Archive de Vendée.
Plan du projet 1929.


Mais la mer fait ce que bon lui semble et à nouveau il y aura des destructions en 1930.
Janvier-Février 1930. Tempête.
Le présent rapport a pour but de donner un compte-rendu sommaire des dégradations occasionnées par la dernière tempête des 31 janvier, 1er et 2 février à la dune de la Faute.
Nous rappelons qu'à cette date, une ligne de gabions de 3m00 de largeur était établie sur 285 mètres de longueur. De plus, aux endroits les plus menacés et afin d'être prêt pour la maline de fin janvier, on avait placé à la partie supérieure des gabions établis sur 3m00 et sur une longueur de 210 mètres, une ligne de gabions de 1 mètre de largeur formant murette, de façon à obtenir la cote des plus hautes mers.
Etant donné la tempête que nous avons subie et qui, de l'aveu de tous ceux qui s'occupent des travaux maritimes depuis longtemps, était tout à fait exceptionnelle, on peut dire que la protection faite a donné des résultats excellents. La dune a bien reculé, en effet de 3 à 4 mètres au maximum et sur 200 mètres environ , mais le sable n'a pas été entrainé et il s'est formé à l'arrière des gabions une plage en pente de 10% environ avec une cote variant de (6.10) à (6.50) et (7.00), c'est à dire supérieure à celle des plus hautes mers. Ce recul s'explique par suite de la hauteur anormale à laquelle est montée la mer qui a atteint en effet la cote des plus hautes mers de vives eaux d'équinoxe, avec un coefficient de marée qui était seulement de 80. Dans ces conditions, les lames, brisées sur la murette, ont cependant franchi cette dernière et sont venues frapper le pied de la dune. Le masque en béton armé de 600 mètres n'a nullement souffert, même dans sa partie Nord qui fait l'objet d'une surveillance attentive.
Source : Rapport de l'Ingénieur, Dégradations causées par la tempête des 31 janvier, 1 et 2 février 1930, le 4 février 1930 (Archives Départementales de la Vendée, 4 S Supp. 165)
Novembre 1930. Tempête.
A la pleine mer de la nuit du 3 au 4 novembre, une tempête de S.O a amené un affaissement du revêtement sur une longueur de 24 mètres à 250 mètres de l'extrémité de l'ouvrage. Le 4 novembre cet affaissement a continué sur une longueur de 150 mètres environ.
Source : Rapport de l'Ingénieur, Dégâts occasionnés par la tempête du 3-4 et 6 novembre 1930, le 10 novembre 1930 (Archives Départementales de la Vendée, 4 S Supp. 165)
Un deuxième rapport fait au préfet mentionne que « l'ouvrage exécuté a été démoli sur 800m. »
Session extraordinaire Co,nseil Général 1931. Archive de Vendée.
Shémas explicatif de l'effondrement de la digue. Sept 1930.





Malgré les travaux , la mer va à nouveau attaquer au niveau du Platin en 1937.

